Le docteur Farid al-Ansari écrit dans son livre l’esthétique de l’islam « J’ai commencé à remettre en question toute ma vie. J’ai vraiment découvert l’existence d’une chose appelée “douceur de la foi” : une chose qui relève du goût et non de la théorie, une chose réelle et non le fruit de l’imagination! Puis, j’ai commencé à revenir au Coran et je me suis rendu compte que j’étais très éloigné de sa splendeur et de sa beauté. J’ai commencé à revenir à la Sunna et je me suis aperçu que j’étais le plus ignorant des gens au sujet des qualités morales de Muhammad, que soient sur lui la prière et le salut d’Allah. Je me suis mis à revoir ce que j’avais déjà lu au sujet de la croyance (islamique) et j’ai découvert des pages rayonnantes sur ce qu’avaient écrit les pieux prédécesseurs. J’étais passé dessus comme un aveugle — et non de façon noble — du fait d’un voile de préjugés qui couvrait ma vue. C’était comme si je ne les avais jamais lus [de toute ma vie]! Je [me] disais : “Ma surprise n’est pas tant intellectuelle qu’émotionnelle !” [Avant ça], je lisais des termes comme “amour”, “passion (amoureuse)”, “peur”, “espoir”, etc., sans qu’elles suscitent le moindre souffle de vie dans mon cœur.»
Le docteur Farîd, qu’Allah lui fasse miséricorde, a démontré à travers ses propos qu’il n’incriminait pas sa compréhension précédente, mais il dit plutôt que les conditions d’apprentissage étaient difficiles. Et pour éviter toute ambiguïté, je vous rapporte ses paroles concernant l’explication de la divinité, de la déification et de l’adoration. Il dit : «Dans son utilisation originelle en langue arabe, le mot ilâh (divinité) est un terme “chaleureux” et chargé d’émotions. J’entends par là que c’est un des termes qui indiquent les états du cœur comme l’amour, la haine, la joie, la tristesse, le chagrin, le désir amoureux, la crainte, etc.
En ce qui concerne l’étymologie de ilâh, les Arabes disent aliha al-fasîl, ya’lah alahan, en référence au fasîl qui pleure par amour pour sa mère. Le fasîl est le chamelon qui vient d’être sevré et qui cesse de téter. Il est retenu dans la tente pendant qu’on laisse sa mère paître. Quand l’attente devient trop longue pour lui, il se souvient que sa mère [lui manque], et il est pris de nostalgie et de ten dresse envers elle, alors qu’il vient tout juste d’être sevré1. Il se met donc à gémir et à blatérer comme s’il pleurait. Les Arabes disent alors aliha al-fasîl. Sa mère, ici, est son ilâh au sens linguistique, c’est-à-dire l’être pour lequel il éprouve de l’amour. Le vers suivant d’un poète va dans le même sens : “Je tenais tellement à elle que les caravanes se sont immobilisées”.»
Puis il dit :
«Ainsi voit-on que ces deux éléments, aliha et waliha, ont une signification affectueuse qui renvoie, dans l’ensemble, à [la notion de] dépendance émotionnelle et de plénitude affective. En disant cette parole : “Il n’y a pas de divinité mis à part Allah”, le croyant exprime ce qu’il ressent dans son cœur comme attachement envers son Seigneur, le Très-Haut, c’est-à-dire : il n’y a personne [qui mérite véritablement d’être] aimé mis à part Allah, il n’y a personne [qui mérite véritablement d’être] craint mis à part Allah. Et rien ne doit remplir le cœur mis à part la volonté de plaire à Allah. Cela ressemble au chamelon qui est pris de nostalgie et de tendresse envers sa mère, car il souffre d’être loin d’elle et elle lui manque. Quand le musulman témoigne qu’il n’y a pas de divinité mis à part Allah, il admet, en témoignant de ce qui se trouve dans son cœur, qu’il ne s’attachera qu’à Allah; par espoir, peur extrême, passion et amour. C’est là un témoignage solennel et grave, car c’est une confirmation, une reconnaissance et l’aveu d’un sentiment sincère. On ne peut jamais être sûr de la crédibilité [et établir] la véracité à part Allah seul; puis vient la personne qui témoigne elle-même (de sa véracité). Or, ce qu’éprouve le cœur, aucun mot ne peut le cerner et aucun geste ne peut le limiter. À partir de là, “Il n’y a pas de divinité mis à part Allah” est un témoignage d’une délicatesse de haut rang qui ne peut être parfaitement perçue que par le goût.»
Puis, il transmet une parole aussi extraordinaire que magnifique d’Ibn al-Qayyim sur l’amour. Il dit : « Si la question de l’amour s’évanouit, toutes les étapes de la foi et de la perfection s’écroulent. Toutes les positions qui jalonnent le chemin menant à Allah disparaissent. L’amour constitue l’âme de toute étape, de toute position et de toute œuvre. Vidées d’amour, elles sont réduites à un corps sans vie et sans âme. Son lien avec les bonnes actions est proportionnel à son lien à la sincérité. Bien plus, il représente la véritable sincérité. Bien plus encore, c’est l’esprit même de l’Islam. Car l’Islam n’est venu qu’avec l’humilité, l’amour et l’obéissance à Allah. Celui qui est privé d’amour, il n’a pas du tout d’Islam. C’est la véritable concrétisation du témoignage qu’il n’y a pas de divinité mis à part Allah, car la divinité est celle que les adorateurs divinisent par amour, humilité, crainte, espoir, glorification et obéissance, selon le sens de ma’lûh (l’Adoré) qui est Celui que les cœurs divinisent, c’est-à dire qu’ils L’aiment et s’humilient devant Lui […] » Ce qui est voulu à travers ce sujet, c’est que l’Islam ne peut être compris que lorsqu’on comprend ce qu’est la véritable servitude ainsi que la position, les sentiments ou encore les croyances qui accompagnent l’Homme vers son Seigneur lorsqu’il accomplit les actes d’adoration qu’Allah, glorifié et élevé soit-Il, a légiférés. C’est pour cela qu’al-‘Izz Ibn ‘Abd al-Salâm dit dans ses Règles : «Ce qui est voulu à travers tous les actes d’adoration, c’est de magnifier Allah, de Le glorifier et de Le sublimer.» Donc, si la personne arrive à saisir parfaitement cette conception, elle parviendra à une représentation des vertus de l’Islam dans laquelle se trouvent les significations les plus nobles de la beauté du cœur. Pourtant, cela ne dis pense pas de la délectation par la véritable mise en action de cette beauté, car l’information théorique n’est pas comme la mise en pratique. L’Islam possède une nature particulière qui se démarque de toute idéologie que les gens tiendraient pour vraie, car celui qui s’acquitte de l’adoration d’Allah telle qu’Il l’a voulu, en y excellant avec science et bonne compréhension, Allah lui accordera certainement une belle vie, une connaissance plus exhaustive, une lumière dans le cœur et un bonheur dans l’âme qu’on ne pourrait décrire avec des mots dévoilant ce qui s’y trouve (dans la pratique). Comme l’a dit un dévot : « Nous vivons un plaisir et un bonheur tels que si les rois et les fils des rois avaient eu connaissance de ce que nous expérimentons, ils nous auraient certainement combattus par l’épée.»
Extrait du livre Les vertus de l’islam du cheikh Ahmad ibn Yusuf al Sayyid, Al Bayyinah 2022