La véritable personnalité d’Ibn Taymiyya

Louange à Allah, le Seigneur des univers. Prière et paix sur notre Prophète bien-aimé, Muhammad, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses adeptes !

La présente traduction s’inscrit dans une perspective de re- lecture des œuvres de Shaykh al-islam Ibn Taymiyya, afin de mettre en évidence leur portée éducative, spirituelle, mystique et esthétique avec tout ce qui en découle comme vertus qui constituent la réalité profonde de la religion de l’Islam. Ce côté qui incarne la vraie personnalité d’Ibn Taymiyya a été malheureusement obscurci par la fumée de la lecture fragmentaire, projective, réductrice et tendancieuse de ses œuvres, à des fins sectaires, partisanes, idéologiques ou politiques. Le shaykh Farîd al-Ansârî, l’un des premiers savants qui prirent conscience de cette situation délétère, nous livre ce diagnostic pertinent et révélateur :
« Prenons l’exemple de Shaykh al-islam Ibn Taymiyya. Beaucoup de livres contemporains ne le décrivent que comme un homme de guerre et de combat et un spécialiste dans la classification des gens de l’Enfer, sans les doctrines des gens du Paradis. Quiconque veut marquer quelqu’un du sceau de la Géhenne n’a qu’à brandir la fameuse phrase : « Le Shaykh al-islam Ibn Taymiyya a dit … ».
C’est comme si Ibn Taymiyya n’avait été créé que pour qu’on utilise ses paroles comme des arguments contre les gens de l’égarement, ni plus ni moins. C’est comme si ses textes et ses fatwas s’étaient transformés en verdicts que l’on dicte à l’accusé avant son exécution.
Où est Ibn Taymiyya le prédicateur ? Où est Ibn Taymiyya l’éducateur ? Où est Ibn Taymiyya le mystique qui chemine vers son Seigneur à travers les « positions » de la crainte, de l’espoir, de l’aspiration, de l’amour ? Où est Ibn Taymiyya avec ses goûts spirituels et ses états élevés ? Ses livres et ses fatwas regorgent tellement de notions esthétiques et de sages finalités, en matière de prédication, d’éducation et d’enseignement, qu’il est difficile de les cerner et de les étudier de manière exhaustive. Son disciple, l’imâm et sage Ibn Al-Qayyim, rapporte de lui beaucoup de choses à ce sujet. Où est donc parti tout cela ?
Quant au fait que la lecture [d’Ibn Taymiyya -à titre d’exemple-] soit une lecture projective, c’est parce qu’on s’est servi de lui pour exprimer les problèmes psychologiques et politiques de notre époque de manière littérale. On a donné à ses textes des interprétations qui trahissent un état réactionnel, non équilibré, d’ordre psychologique et social, face aux situations créées par la tyrannie politique et le climat de divergences doctrinales entre les tendances, les groupes, les pays et les alliances. Nous avons, rétrospectivement parlant, projeté notre époque dans son époque et habillé nos situations des situations vécues par Ibn Taymiyya lui-même, sans tenir compte des différences entre les constantes et les choses variables, qu’il s’agisse des textes ou de l’établissement des principes de motivation -tahqîq al-manât-. Ceci trahit une transgression des normes scientifiques et une déviation méthodologique évidente.
De ce fait, la manière dont certains ont mis en scène la personnalité d’Ibn Taymiyya s’avère inappropriée. En effet, Ibn Taymiyya a été présenté comme quelqu’un sans goût, ni sensibilité. Ils se sont limités, dans ce qu’ils ont rapporté de lui, aux seules insultes, injures et autres anathèmes. Dieu sait combien le Shaykh al-islam est loin de tout cela et combien il en est innocent !
Si quelqu’un examine de manière exhaustive les fatwas d’Ibn Taymiyya et ses œuvres, il en tirera une multitude d’exemples empreints de réalités esthétiques et qui témoignent d’un goût spirituel raffiné de ce shaykh, aussi bien dans la théorie que dans la pratique.
C’est dans le but de contribuer à rendre, en quelque sorte, justice à cet éminent docteur hanbalite et dissiper les préjugés attachés à son nom, que nous avons choisi de traduire pour vous -chères lectrices et chers lecteurs- deux épîtres qui donnent une idée de la profondeur d’Ibn Taymiyya, de son objectivité et de sa fibre éducative, esthétique et mystique. Pour en rendre la lecture simple et compréhensible, nous avons séparé les paragraphes par l’adjonction de titres et y avons ajouté des notes de bas de page.
La première épître est une réponse à une question sur le soufisme dans laquelle le shaykh Ibn Taymiyya parle de l’étymolo-his du terme « al-sufiyya », du berceau du soufisme, des positions des savants vis-à-vis du soufisme, des différentes catégories de soufis, etc. Elle se trouve au début du onzième volume consacré au soufisme dans son recueil de fatwas : Majmû‘ al-fatâwâ -juz’ al-tasawwuf- (5/11).
La deuxième épître -la plus longue- traite de certains actes du cœur ou de ce que l’on appelle les maqâmât (les stations spirituelles). Il a choisi, parmi elles, les stations les plus importantes telles que :
– l’ikhlâs (la consécration de soi à Allah) ;
– la véridicité ;
– le tawakkul (le fait de s’en remettre à Allah), station sur laquelle il s’est longuement étendu ;
– la patience ;
– la satisfaction ;
– l’amour auquel il a consacré la plus grande partie de son épître.
Cette épître s’intitule al-tuhfa al-‘irâqiyya fî al-a‘mâli al-qal- biyya (Le présent irakien2 relatif aux actes du cœur) comme cela est mentionné dans tous les manuscrits. Elle se trouve au début du dixième volume consacré au cheminement spirituel dans son recueil de fatwas, Majmû‘ al-fatâwâ -juz’ al-sulûk- (5/10).

Ecrit par l’humble serviteur d’Allah, qui aspire à Son absolution et à Son indulgence : Mohammed KARIMI, qu’Allah lui pardonne, ainsi qu’à sa mère, son père et aux croyants.

 

introduction du livre Les voies du cheminement spirituel d’Ibn Taymiyya éditions Al Bayyinah 2021

Les voies du cheminement spirituel - couverture