«Il suffit, pour prouver la grandeur d’un homme, que cet homme s’incline, après études et réflexions, devant les grandes vérités. Parmi ces hommes, on peut compter le célèbre peintre et philosophe qui était hier M. Étienne Dinet, et qui est aujourd’hui le cheikh Nasreddine Dinet. C’est un homme qui a proclamé publiquement sa conversion à l’Islam, après quarante années d’études assidues et de comparaison entre les différentes religions. Il s’est inspiré de ses longs voyages et de son installation au milieu de la vie arabe à Bou Saâda, et il a comparé ce qu’il avait étudié dans les livres avec les mœurs et les coutumes religieuses qu’il avait devant les yeux. C’est après tant d’études et de méditations qu’il a fini par satis- faire son âme assoiffée par la connaissance de la vérité, en découvrant les preuves de l’unité absolue de Dieu. Les trois cents millions de musulmans, et en premier lieu les musulmans de l’Algérie, ont tous le droit de proclamer leur joie et leur satisfaction ; car ce nouveau membre de la famille musulmane a une valeur personnelle inestimable, valeur par laquelle notre frère s’est acquis une célébrité mondiale. M. Dinet fut admirable à cette assemblée du 8 Djoumada el Oula, au milieu de laquelle il proclama solennellement sa conversion à l’Islam après avoir pro- clamé pendant quatorze ans les préceptes du Coran.
Au cours de cette réunion mémorable, le célèbre écrivain Si Ahmed Taoufik El Madani fit, sur la demande de Si Omar Bouderba, l’éloge d’Étienne Dinet. Son discours “qui fut en réalité une vibration de son âme” commença par ces mots tirés d’un verset du Coran : “Si Dieu veut le bonheur de quelqu’un, il guide son cœur vers l’Islam”. Ahmed Taoufik El Madani examina ensuite l’islamisme du cheikh Dinet. Il en prouva logiquement la haute portée, la valeur et souligna l’heureuse réper- cussion que ce geste très significatif ne manquerait pas d’avoir dans le monde musulman.
Enfin l’orateur donna quatre preuves éclatantes de la sincérité de M. Dinet : “La société musulmane de nos jours ne possède actuellement ni influence ni considération (dans le monde dominé par l’Europe); ce n’est donc pas pour se servir de notre influence qu’il s’est fait musulman.
Il n’est pas pauvre ; la vente annuelle de ses œuvres d’art lui rapporte des sommes plus considérables que tous les appointements touchés par les ministres du culte musulman à Alger. Donc on ne peut pas penser que c’est avec l’arrière-pensée de tirer un profit pécuniaire de son islamisme qu’il s’est converti.
Il est actuellement sur le seuil de sa soixante-dixième année et celui qui a atteint cet âge n’aspire plus aux folles imaginations de la jeunesse.
Il a présenté sur l’Islam un travail magnifique qui prouve une sincérité sans égale ; je cite, entre autres, sa Vie de Muhammad et L’Orient vu de l’Occident. Si ces deux livres étaient traduits en arabe, ils contribueraient gran- dement à ramener tous nos jeunes gens à l’Islam”.
M. Dinet prononça ensuite la chehada entre les mains du muphti et le cheikh muphti proclama que l’Islam acceptait avec joie la conversion du cheikh Nasreddine Dinet; il ajouta qu’il considérait cette journée comme une journée de fête.
Si Sliman Ben Brahim, ami intime de M. Dinet depuis quarante ans, se leva les larmes aux yeux et remer- cia tous les assistants de cette heureuse réunion. Quant à Si Sliman lui-même, nous savons qu’il a toujours été le bras droit et le guide précieux de M. Dinet ».
Par Mohammed El-Asini, l’article est paru dans sa livraison du 17 novembre 1927. Il a été traduit par Arnaudiés dans sa monographie de Dinet (Alger, Soubiron, 1933, pp. 43-46).
Etienne Dinet Quelques rayons de la lumière de l’islam Héritage 2022 p.75-76-77